samedi 13 juin 2009

Le voile dévoilé


Arabie Saoudite : Le roi de la lingerie, Eres, s'installe au pays du voile


Droite: Ceinture de maternité. © Suzie
A gauche: l'album de Kate Perry, one of the boys.















En Arabie Saoudite, les femmes n’ont quasiment aucun droit -notamment pas celui de conduire-  et ne peuvent sortir de chez elles que voilées de la tête aux pieds. Et pourtant, elles sont aussi friandes de lingerie que les occidentales.  

L’Arabie Saoudite – l’un des pays les plus conservateurs au monde - est aujourd’hui le plus gros consommateur de lingerie du Moyen-Orient, devant Dubaï la branchée ou Bahreïn la libérale.

Une aubaine pour les marques françaises. Mais placer les nouvelles collections dans les rayons saoudiens relève du parcours du combattant. 

Car montrer la peau nue d'une femme est interdit en Arabie saoudite, que ce soit sur un CD,  l'emballage d'un savon ou l'étiquette d'un soutien-gorge. Les produits "immoraux" ne sont pourtant pas interdits à l'importation. Le gouvernement s'attache donc les services d'une armée d'agents de la police religieuse qui, marqueur en main, passent leurs journées à rhabiller les pin-up des magazines. 

Parfois, le corps entier de la femme est gribouillé au marqueur, comme sur la photo de cet emballage de ceinture pour femme enceinte. Mais la censure peut être plus soignée. Dans ce cas, seules les parties du corps de la femme considérées comme choquantes sont noircies.

Le gouvernement saoudien paie les agents de la Commission pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice (CVPVP) pour enlever l'emballage plastique des CD, ouvrir la boîte, retirer les photos et colorier au feutre, avec minutie, sans dépasser, celles qui montrent des parties du corps féminin jugées choquantes. Les agents de la CVPVP sont appelés les 'Muttawa'. Leur rôle est de s'assurer que les citoyens suivent strictement les règles de conduite applicables au musulmans (Sharia), notamment en ce qui concerne les vêtements, les rapports sociaux, la moralité et la prière. Ils sont environ 10.000, répartis dans 500 centres sur tout le territoire. On leur doit entre autres, le retrait de la poupée Barbie des magasins de jouets, au profit de Fulla, la poupée religieusement correcte Made in Islam, qui porte hidjab et abbaya. Dans les pays du golf, elle est vendue avec son tapis de prière.

Que de sacrifices ces nobles policiers des moeurs ne doivent-ils pas endurer pour le bien de leurs concitoyens!




 

mercredi 27 mai 2009

Le culot de Khaleda




Photo © Ali Al Riffal


KHALEDA est belle et elle s'en balance.
Ce qui la fait kiffer - comme on dit- c'est la Mode.

Toute petite déjà, quand elle regardait un grand classique à la télé, elle se changeait en même temps l'actrice...

A 25 ans, elle a fait plaisir à papa en empochant un Master en Marketing à Boston (USA) comme une grande. Elle en a surtout profité pour mettre les voiles (sic) loin de Bahreïn et flairer l'air du temps dans la "grande Amérique", écumer NYC et les bars branchés, se frotter aux différents courants de la "Fashion", la vraie.
Surprise! Le monde n'est pas qu'abbayas noires et robes de gala. Il est plein de punks, de gothiques tout en noir, d'affreux Marylin Manson, d'ubersexuels plutôt sexy, de techno-beat, de nostalgiques du disco accro au fluo, de Power Flower nostalgiques, de beachwear ou de dingues de chanvre et de coton bio...

Elle revient à Bahreïn des idées plein la tête, bien décidée à devenir un grand nom de la mode. Khaleda Rajab Couture est né. (Prononcez Jalida RRadjab Keuteure)

Et ce petit brin de femme a du panache, si ce n'est du talent.
Aidée largement par les fonds du paternel, elle vampirise le web, digère les infos des télés ou des magazines de mode, se fait livrer les plus belles étoffes d'Inde et de Paris, qu'elle décortique, coupe, lacère ou coud sans frémir pour parfois certes se planter! Mais non, petit à petit, ça vient... Des modèles de robes impressionnants, une mode de fée orientale moderne, de princesse culotée qui mixe les genres et les matières: plumes, plastic, paillettes et silicone...

Certes, elle dispose d'une petite armée de couturiers indiens et du compte bancaire étoffé de son businessman de papa pour courir après ses rêves. N'empèche, elle en veut la gamine. Elle se voit déjà en haut de l'affiche et elle bosse pour ça.

Demain, son défilé fera l'ouverture de la Fashion Week de Bahreïn.
Avec Khaleda, "quand on veut, on peut".

Link : http://www.ameinfo.com/197591.html


mardi 19 mai 2009

L'histoire de Yasmina

Elle s'appelle Yasmina et elle était assise au siège 15 C.
Ce jour-là, dans l'avion Gulfair presque vide qui reliait Mascate à Bahrain, j'étais assise au 15 A.

Yasmina, je l'avais dans le collimateur.
Elle était arrivée en retard au check-in, avait fait un souk dans la queue d'embarquement en Tamoul, puis avait disparu entre deux policiers. Et maintenant, tout l'avion l'attendait pour décoller...

Indifférente aux regards hostiles, elle est passée entre les sièges avec un port de reine. De reine déchue, peut-être. Elle s'est assise à coté de moi, saluant poliment, sans un mot. L'avion s'est ébranlé, les passagers ont soupiré d'aise. L'hôtesse de l'air zélée a entamé la procédure de décollage, jonglant avec son gilet de sauvetage, indiquant les issues de secours avec la fierté d'une maîtresse de maison qui dévoile son plan de table... Et Yasmina souriait, les yeux fermés.

Puis elle s'est mise à parler. D'abord sans me regarder. J'ai cru qu'elle priait. Et puis, non. Elle s'est tournée vers moi. 35 ans qui en paraissent 50. Les yeux cernés, sérieux et lourds d'une vie de peine, mais joyeux encore. Plein d'espoir et de détermination.

"Pas facile, la vie à Chennai (Inde), chez moi, tu sais. J'ai deux filles au Collège. Un jour, elles seront docteur. Mais d'abord il faut payer, payer et payer encore. Ils sont beaux tes enfants. Tu dois faire d'autres, tu les fais bien. Tu es belle, tu es jeune encore (sic). Tu es faite pour faire des enfants. Tu as de l'aide à la maison? Tu as besoin d'une nounou?
Tu sais, je viens de vivre presque 2 mois à Salalah, à Oman. J'ai laissé mon travail là-bas hier. J'étais dans une famille Omanaise. Madame avait 10 enfants - 8 filles et 2 garçons- et fin mai elle va accoucher du 11e bébé. Tu te rends compte? 11 enfants... C'est beau ça. Mais je ne serai pas là pour voir si c'est un garçon ou une fille. Je dois partir. C'est dur de la laisser seule, sans aide, si prêt de son accouchement mais je ne peux pas rester. Tous les soirs, son mari venait dans ma chambre. Tous les soirs, je lui disais: "Je suis ton employée, pas ton épouse. Retourne chez toi, ta femme a besoin de toi. Retourne dans ton lit. Tu n'as pas le droit de me faire ça. Laisse-moi me reposer, je suis fatiguée...". Tu imagines? Dix enfants, le ménage, la cuisine, la lessive avec chaque jour des tonnes de dishdashas et de abbayas à repasser, les draps, les couches en tissus, les serviettes... Mais moi, ça m'est égal de travailler. Je ne sais pas faire autre chose. Je suis courageuse. Je n'ai pas peur des lourdes tâches. Mais la nuit, il n'avait pas le droit de me faire ça. Me toucher, m'ennuyer. Je n'ai pas réussi à l'arrêter. Pas assez forte...
J'ai du me me décider à faire quelque chose. Vite.
Tu vois, les employés de maison comme moi qui viennent d'Inde, du Sri-Lanka, de Somalie ou des Philippines, ils ont deux mois d'essai et après, ils ne peuvent plus annuler leur contrat, revenir en arrière. Nos passeports sont entre les mains de nos employeurs et s'ils ne veulent pas nous laisser partir, on ne peut rien faire. Tu dois honorer ton contrat de 2 ans avant de pouvoir retourner chez toi. C'est la loi. Moi, je leur ai dit que je voulais partir avant la fin de la période d'essai, que c'était mon droit. Malgré cela, monsieur ne voulait pas.
Alors, j'ai attaqué une grève de la faim. Pendant 5 jours, je ne suis pas sortie de ma chambre, je n'ai pas mangé, pas bu, je ne me suis pas lavée. Ils ont appelé le médecin. Et c'est lui qui a appelé la Police. Voilà. Ils m'ont accompagné jusqu'à l'aéroport. Monsieur a dû payer mon billet d'avion jusqu'à chez moi, me rendre mon passeport. C'est la loi.
Mais Monsieur a été méchant jusqu'au bout, tu sais. Moi, je ne sais pas lire. Sur mon billet d'avion, je ne pouvais pas savoir ce qu'il y avait marqué. C'est ici, à l'embarquement, que l'hôtesse de Gulfair m'a dit que je partais pour Ramanathapuram, et non pas Chennai, ma ville. Tu peux le croire, ça? J'ai refusé d'embarquer. Pour aller où? Dans une ville que je ne connais pas, sans argent, sans personne, à 600km de chez moi?...
Heureusement, la Police a payé le billet de Ramanathapuram à Chennai. Monsieur devra leur rembourser. Ils ont été corrects, ces policiers, tu sais. C'était quand même 60 Rials (120€) de supplément... un mois de mon salaire!

Je suis déjà restée 5 ans à Dubaï où j'ai fait un "jump" (Faire un "Jumping": partir de chez son employeur, en lui laissant le passeport, pour accepter une place plus lucrative ailleurs mais en tant qu'illégal). J'ai travaillé 2 ans en Arabie Saudite, 2 ans à Oman dans le passé. Je parle arabe couramment. Si tu as besoin de quelqu'un, n'hésite pas à m'appeler à Chennai. Je viendrai. je t'aime bien. Mais pas tout de suite. Je veux d'abord voir mes filles et un peu me reposer... "

Yasmina- le 10 mai 2009.



Prise de tête:

"The reasonable man adapts himself to the world. The unreasonable one persists in trying to adapt the world to himself. Therefore, all progress depends on the unreasonable man". George Bernard Shaw (1856 - 1950)