Aujourd'hui, dans mon pays, cette femme est devenue une hors-la-loi. Son crime? Porter un Hiqab sur le territoire français.
Un nouveau test Hortefeux sur les valeurs de la République?
Ce lundi, le voile intégral est devenu illégal dans tous les lieux publics en France, comme le dicte la loi du 11 octobre 2010, interdisant la dissimulation du visage. Le port du Hiqab ne sera plus autorisé dans la rue, à la sortie des écoles, dans les parcs et les gares, ni dans aucun commerce, sous peine d'une amende allant jusqu'à 150euros et/ou un stage de citoyenneté. Il en sera de même avec "tous les porteurs de cagoule ou de masque" (sic). Reste que les forces de l'ordre "n'ont pas le pouvoir de faire ôter le vêtement qui dissimule le visage", rappelle le ministre. Il ne manquerait plus que ça...
La France devient le premier pays européen à appliquer une interdiction généralisée. Adoptée par le Parlement le 11 octobre 2010 à l'issue d'un débat houleux, cette loi concernerait environ 2000 femmes (et combien de porteurs de cagoule?) dans un pays qui compte, selon les estimations, entre 4 et 6 millions de personnes de "tradition musulmane".
La loi entre en vigueur au moment où la place de l'Islam et de la laïcité sont devenues des thèmes majeurs du débat politique hexagonal, à un an de la présidentielle de 2012, sur fond de montée du Front national.
Ouf, la République est sauve. "En France, on n'est pas polygame, on ne pratique pas l'excision sur ses filles, on n'égorge pas les moutons dans son appartement et on respecte les règles de la République » assurait-on avec élégance à la télévision, lors de la dernière présidentielle, dans une émission à grande écoute. Pourtant, il faudra bien qu'elle fasse le deuil de la monoculture, de la religion unique, de ses chères têtes blondes chantant la Marseillaise sur les bancs de l'école.
A-t-elle bien tout compris compris, la Republique? En voulant défendre en toute légitimité la laïcité et les valeurs républicaines, elle contribue à fragiliser, à isoler les porteuses de voile intégral, et à radicaliser leurs positions.
A partir d'aujourd'hui, certaines limiteront leurs sorties au "strict minimum", d'autres envisageront de porter un masque chirurgical, joli pied de nez à la république. Certaines - Françaises de naissance- partiront s'installer dans un pays musulman pour de bon, quelques-unes seulement se résoudront à se dévoiler.
POURQUOI LE VOILE?
Les raisons du port du voile sont multiples. Une chose est sûre: son adoption n'est en aucun cas un rejet de socialisation. Dans la majorité des cas, les femmes qui le portent ont un degré d'education élévé, une part active dans la société. Pour mieux comprendre ces femmes françaises qui ont fait le choix de se voiler, la fondation Open Society Institute, du milliardaire George Soros, offre une plongée interessante dans l'univers de trente-deux d'entre elles. Marquée par une approche anglo-saxonne et une incompréhension teintée de critiques face aux débats sur l'islam en France, l'étude s'inscrit dans un projet qui promeut "la diversité culturelle" et l'intégration des "groupes minoritaires", dont les musulmans vivant en Europe. Au-delà de cette intention politique assumée, l'étude vaut pour la diversité des témoignages. Ponctués de formules religieuses, ils dessinent les profils de ces jeunes femmes, leur mode de vie, leur position face à la loi.
Volontaires pour témoigner, toutes déclarent sans surprise que leur démarche relève d'un choix. La plupart sont entrées en conflit avec leur entourage, notamment leur mère, lorsqu'elles ont adopté cette tenue. Parce que cela ne correspondait pas à leurs traditions ou par peur des difficultés dans leur vie sociale. "Ma famille me traite de salafiste, de fondamentaliste!", assure Haifa, 19 ans. La dimension spirituelle de la démarche traverse tous les témoignages. A la limite du mysticisme, la plupart décrivent un sentiment de "bien-être" dans cette tenue. "C'est une forme d'adoration", témoigne Haifa. D'autres évoquent "une fierté" ou encore une "protection" contre le regard des hommes, et souvent l'affirmation d'une séparation des sexes, "solution à de nombreux problèmes", selon Safa, 37 ans.
Elles se montrent très méfiantes face aux institutions musulmanes et parfois envers l'imam de leur mosquée. Contrairement à l'avis majoritaire défendu par les responsables musulmans, dix d'entre elles considèrent le niqab comme une "obligation coranique". Face aux agressions, surtout verbales, dont elles font l'objet, notamment par la communauté musulmane elle-même qui accusent ces fantômes noirs de rendre leur vie en France plus difficile, la plupart préfèrent ne pas réagir, confiantes dans la justice divine. Toutes assurent qu'en cas de besoin d'identification, elles sont prêtes à se dévoiler...